Pour les représentants LGBT, une campagne sur fond d’amertume…

Article de libération.

Après un mandat entre liesse et énormes déceptions, les associations interpellent les candidats à la présidentielle à travers un questionnaire. Seuls un représentant d’Europe Ecologie-les Verts et un de Benoît Hamon se sont déplacés pour leur conférence de presse de ce vendredi.

Pour les représentants LGBT, une campagne sur fond d’amertume
L’ambiance a changé. Fini la liesse de 2012 suscitée par la promesse (tenue depuis) du candidat François Hollande de permettre à tous de se marier et d’adopter. Nouveaux candidats, nouvelle campagne. Que peut aujourd’hui espérer la communauté LGBT ? Qui portera ses revendications ? Qui s’en soucie ? Dans le brouhaha d’une campagne qui mouline surtout des histoires de costards et des questions d’économie, elle va, regroupée au sein de l’Inter-LGBT et soutenue par des multiples associations, à nouveau tenter se faire entendre, de ne pas être oubliée. Oui, le quinquennat Hollande a permis à 25 900 couples homos de s’épouser en mairie ; oui, les trans n’ont plus besoin de fournir la preuve de leur stérilisation pour changer d’état civil ; oui, il est désormais possible de changer de prénom ; oui, le code pénal sanctionne dorénavant les agressions en raison d’une «identité de genre» ; oui, les homos peuvent maintenant donner leur sang (après un an d’abstinence, ou à condition d’être en couple depuis une année) ; oui, François Hollande a plaidé à l’ONU pour une dépénalisation universelle de l’homosexualité.

Mais «il y a eu d’énormes renoncements, des promesses non tenues, une certaine déception», résumait ce vendredi matin lors d’une conférence de presse consacrée à la présidentielle Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l’Inter-LGBT. L’amertume est palpable quand elle évoque la façon dont des tribunaux (Versailles, Cahors, Aix-en-Provence) ont bloqué des projets d’adoption de lesbiennes soi-disant coupables d’avoir eu recours à une procréation médicalement assistée (PMA). La colère monte justement à propos de la PMA que François Hollande, malgré des promesses verbales, n’a pas ouverte aux lesbiennes et aux célibataires. Que dire encore du Comité national d’éthique qui a repoussé cinq fois le rendu de son avis sur cette question ? Ou de la galère de ceux qui ont recours à une gestation pour autrui (GPA) et ne parviennent pas à faire transcrire à l’état civil français les actes de naissance de leurs enfants nés à l’étranger ? L’enterrement aussi de cet outil pédagogique que devaient être les ABCD de l’égalité a manifestement du mal à passer.

Pour «un débat respectueux»
Qui portera ces questions restées en suspens ? L’inquiétude est flagrante quand seuls un représentant des Verts (Antoine Torrens) et un de Benoît Hamon (Denis Quinqueton) ont trouvé le temps d’assister à cette conférence. Constatant le flou des candidats (même si, par exemple, Benoît Hamon s’est déclaré en faveur d’une PMA pour toutes), l’Inter-LGBT a pris la décision d’envoyer, dès la semaine prochaine, un questionnaire (élaboré avec SOS homophobie, Glup, MAG jeunes LGBT, etc.) à tous ceux qui convoitent le poste suprême. Sauf à Marine Le Pen : «Inutile. Et l’on n’a pas oublié, malgré le silence qu’elle entretient aujourd’hui savamment, qu’elle s’est, il y a quelques années, prononcée pour l’abrogation du mariage pour tous», épingle Clémence Zamora-Cruz. Au menu, une soixantaine de questions qui balaient les droits, la santé, l’éducation la parentalité, la lutte contre les discriminations… Exemples : «Accompagnerez-vous la mise en place d’une structure d’accompagnement bienveillante et neutre pour les parents d’enfants intersexués ?» ou «Relancerez-vous un programme ambitieux de lutte contre les inégalités femmes-hommes, le sexisme et les LGBTphobies dès l’école primaire ?» La liste est longue (1) mais aura le mérite de clarifier les positions de chacun, qui seront mises en ligne et rendues publiques sur un site internet dédié.

Le plan d’action ne s’arrête pas là. L’Inter-LGBT invite aussi les candidats à signer une charte pour «un débat respectueux» envers les cibles de prédilection de l’intolérance (les LGBT, mais aussi les migrant.e.s, les demandeurs.euses d’asile, les musulman.e.s, les jui.fs.ves). Le fait même de lancer cette charte est le signe que la crainte des discriminations est plombante. L’Inter-LGBT revendique d’ailleurs, au passage, l’inscription du mot «lesbophobie» dans le dictionnaire au nom du bon vieil adage : qui nomme bien châtie bien. Enfin, dernier étage de la fusée arc-en-ciel, les candidats et candidates aux législatives recevront une autre charte soumise à signature d’engagement à faire progresser les LGBT sur le chemin de la reconnaissance et de l’égalité. Et des conseils et outils pédagogiques pour, que dès l’enfance, l’intolérance soit combattue.

(1) L’Inter-LGBT n’aborde la GPA que sous l’angle de la reconnaissance et des familles, mais ne se prononce pas sur cette pratique qui manifestement ne fait pas l’unanimité dans le mouvement.

http://www.liberation.fr/france/2017/03/24/pour-les-representants-lgbt-une-campagne-sur-fond-d-amertume_1558064

 

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